La recherche d’un local à Paris est un vrai défi, et je sais de quoi je parle, je suis actuellement en plein dedans. Tellement de critères sont à prendre en compte pour trouver le local idéal, le local parfait qui va vous permettre de vous lancer dans les meilleures conditions. Mais il y a un élément qui change tout dans un projet de restaurant : l’extraction.
Dans cet article, on définit ce qu’est une extraction, les règles spécifiques à Paris, et je vous partage mes conseils pour éviter les mauvaises surprises.
1. C’est quoi une extraction en restauration ?
A) Définition simple
En restauration, l’extraction désigne le système qui permet d’évacuer à l’extérieur les fumées, les odeurs, les vapeurs grasses et les particules générées par la cuisson des aliments.
Elle est indispensable pour :
- garantir l’hygiène dans la cuisine,
- préserver la qualité de l’air intérieur,
- éviter les nuisances pour les voisins,
- être en conformité avec les normes sanitaires et de sécurité incendie.
Quand on parle d’extraction, il y a un léger abus de langage, car on parle souvent d’ »extraction conforme« , c’est-à-dire un système qui respecte les exigences réglementaires : extraction verticale jusqu’en toiture, conduits ignifugés, filtres à graisse, système d’entretien régulier, etc.
Or, une extraction qui donne sur rue ou sur cours est aussi une extraction, cependant nous verrons par la suite qu’elle ne répond pas aux normes en vigueur en France.
B) Différence entre hotte à recyclage et hotte à extraction
Il existe deux grands types de hottes utilisées dans les établissements de restauration :
1. La hotte à recyclage (ou hotte filtrante)
Elle fonctionne sans évacuation extérieure. Elle filtre donc l’air à travers des filtres à charbon actif et le renvoie dans la pièce.
Ce type de hotte est utilisée uniquement pour les activités sans cuisson ou de petite restauration (ex : snacking froid, cafés, sandwicheries) et ne convient pas à la cuisson de viandes, fritures, grillades, ou toute préparation avec vapeur ou graisse.
Aujourd’hui, de nouvelles technologies apparaissent, les hottes sans extractions HSE qui avec de nombreux systèmes de filtre permettent de capter 98% des graisses et des odeurs avant de renvoyer l’air dans la pièce. Cependant, ces modèles sont très chers et volumineux, aussi ils demandent beaucoup d’entretien.
2. La hotte à extraction (ou hotte professionnelle avec conduit extérieur)
Ce système est le plus commun en restauration, il évacue les fumées, graisses et odeurs hors du local, par un conduit vers l’extérieur, le plus souvent vertical jusqu’au toit.
Ce type de hotte est obligatoire pour toute activité de cuisson (grill, friture, plancha, etc.) et doit être conçue avec des matériaux résistants au feu et bien ventilée.
Si vous voulez faire cuire, griller, frire ou mijoter des plats, il vous faut une hotte avec extraction vers l’extérieur. Sans ça, votre activité ne sera pas autorisée.
C) Le diamètre et le débit d’extraction : des points techniques à ne pas négliger
C’est bien beau d’avoir un local avec une extraction, mais ce sont le diamètre de la gaine d’extraction (le conduit) et le débit d’air extrait qui sont les deux éléments techniques clés à prendre en compte. Ils doivent être adaptés à votre concept et à votre matériel de cuisine.
1. Le diamètre du conduit : les tailles standards
Plus le diamètre est large, plus le conduit peut évacuer un volume d’air important.
Voici les diamètres généralement utilisés dans la restauration :
Diamètre de la gaine | Type d’activité recommandé |
---|---|
Ø 250 mm | Snacking léger / peu de cuisson |
Ø 300 à 350 mm | Petite cuisine traditionnelle / cuisson modérée |
Ø 400 mm et plus | Cuisine à fort volume / friture / grillades |
Le minimum recommandé à Paris est 350mm pour être sûr d’avoir la liberté de développer son concept.
En dessous, ça peut passer mais il faudra éviter les cuissons lourdes et notamment les fritures.
2. Le débit d’extraction : m³/h
Le débit correspond au volume d’air extrait par heure. Il dépend :
- de la surface de la cuisine,
- du nombre d’appareils de cuisson,
- de la fréquence d’utilisation.
En pratique, il faut 15 à 20 renouvellements d’air par heure pour une cuisine pro.
3. Exemples de besoins par type de concept
Type d’établissement | Diamètre recommandé | Débit estimé (m³/h) |
---|---|---|
Coffee shop / snacking froid | Ø 200-250 mm | < 1 500 m³/h |
Petite sandwicherie chaude | Ø 300 mm | 1 500 à 3 000 m³/h |
Restaurant classique | Ø 350-400 mm | 4 000 à 6 000 m³/h |
Cuisine asiatique / grill / friture | Ø 400-500 mm | 6 000 m³/h et plus |
Plus le conduit est petit, plus le ventilateur doit forcer, ce qui augmente le bruit et l’usure du système. À l’inverse, un conduit trop large mal utilisé peut provoquer des déperditions et nuire à l’efficacité de l’extraction. Ce qui peut coûter cher en maintenance.
Le mieux est de vous faire conseiller et valider votre installation par un professionnel.
2. La réglementation à Paris : stricte et contraignante
A) Pourquoi Paris est un cas particulier
À Paris, les contraintes sont plus fortes que dans le reste du pays, pour plusieurs raisons
- La majorité des logements sont en copropriété au sein d’immeuble, ainsi le bailleur n’a pas la liberté d’installer d’extraction. Il faut faire passer cette mesure en assemblée générale de copropriété, ce qui est très long et la plupart du temps refusé, tout le monde préfère une boutique de prêt-à-porter à un restaurant en bas de chez soi.
- Les bâtiments sont anciens et donc difficiles à adapter aux normes, de par l’espace disponible, l’impact structurel et pour certains leur caractère protégé.
- La ville a une densité urbaine élevée ce qui implique un risque élevé de nuisances (bruit, odeurs, sécurité incendie).
Il est très difficile d’installer ou de modifier un système d’extraction sans respecter des normes précises, souvent coûteuses à mettre en œuvre. Si le local n’a pas d’extraction installée, n’espère pas pouvoir en installer une.
B) Ce que dit la loi
Le principal élément à retenir est le suivant :
« L’air extrait des locaux doit être rejeté à au moins huit mètres de toute fenêtre, de toute prise d’air neuf, de tout débouché de conduit de fumée et de tout conduit de ventilation sauf aménagements tels qu’une reprise d’air pollué ne soit pas possible. »
Le lien vers l’article de loi.
Ainsi, il ne peut pas y avoir d’extraction d’air à moins de 8 mètres de toute ouverture, c’est pour cela que quand on parle d’extraction on parle d’extraction sur toit.
C) Cas particuliers et tolérances
Si l’installation d’une extraction sur toit est impossible techniquement, une dérogation préfectorale peut parfois être envisagée, mais cela reste exceptionnel et lent à obtenir, il ne faut pas compter dessus, car tu paies ton loyer dès le premier mois.
Certains petits établissements peuvent être autorisés sans extraction, à condition de ne pas faire de cuisson avec émanation de graisse et de fumée et de faire de la petite restauration (la puissance totale de cuisson reste < 20 kW). C’est donc adapté pour du traiteur, du coffee-shop, du bar à salade.
Aussi, attention aux mentions floues dans les annonces :
- “Extraction possible” = rien de garanti.
- “Hotte présente” ≠ hotte conforme à l’usage prévu.
Si vous ignorez ces points et ne contrôlez pas le système d’extraction, vous signez un bail pour rien, car vous ne pourrez pas exploiter votre concept sans prendre le risque d’être contre la loi.
Normalement la dénomination au bail est claire et indique notamment si les cuissons sont autorisées et si un système d’extraction est présent. Mais certains bails sont très vagues et vous laissent penser que vous pouvez exercer votre activité. Cependant, en cas de contrôle de l’administration ou de plainte d’un voisin, c’est le début des problèmes et de longues procédures, pouvant amener à la fermeture administrative de votre restaurant.
Dans le cas de figure où vous attendez après un accord de la copropriété pour installer l’extraction, vous prenez le risque de ne pas lancer votre activité tout de suite et de payer des loyers sans entrée d’argent. Et si cette demande est refusée, votre projet tombe à l’eau et vous perdez l’argent dépensé dans les travaux, en avocat ou dans le dépôt de garantie.
Ouvrir un restaurant, c’est déjà beaucoup de pression. Une fois ouvert, vous ne comptez pas les heures et vous ne voulez pas un combat comme celui-ci en plus.
3. Mon avis et mes conseils
A) Ce que j’ai appris en cherchant un local à Paris
La plupart des annonces ne mentionnent pas clairement l’extraction, il faut faire du cas par cas et demander plus de détails à votre agent immobilier.
Certaines annonces indiquent “local avec extraction possible”, passez votre chemin car comme indiqué au-dessus espérer que cela passe en AG de copropriété, c’est une perte de temps et d’argent.
Dès qu’il y a une extraction sur toit, le prix du loyer ou du fonds de commerce explose, cela peut doubler voir tripler le prix. C’est logique, il y a un nombre constant d’extractions disponibles sur Paris (nous l’avons vu, il est difficile d’en installer une nouvelle) alors qu’il y a sans cesse des créations de restaurant. Donc l’extraction vaut de l’or à Paris.
Mais le plus important, ne pas faire confiance à son agent immobilier, la plupart ne connaissent pas les normes ou enjolivent la réalité pour vous faire signer et gagner leurs honoraires. Ce n’est en aucun cas leur responsabilité si vous vous engagez sur un bien qui ne répond pas aux normes, c’est du ressort de votre avocat de vous alerter.
B) Mes conseils concrets
À Paris, la recherche d’un local commercial pour ouvrir un restaurant n’est vraiment pas facile.
Si vous êtes comme moi, en train d’ouvrir votre premier restaurant, vous risquez de ne pas avoir un gros budget et la banque vous suit uniquement si le risque est contrôlé.
J’aime souvent dire que la restauration ce n’est pas un sprint mais un marathon.
Si c’est votre première affaire, simplifiez-vous les choses et prenez le temps de vous faire la main.
Le meilleur des conseils est donc de ne pas vous restreindre sur une extraction sur toit et de plutôt adapter votre concept pour qu’il puisse s’implémenter dans n’importe quel type de local.
S’il n’y a pas d’extraction, vous adaptez votre concept en réduisant les cuissons et donc en vous portant peut-être vers de la restauration rapide. Si vous avez une extraction, bonne nouvelle, vous pouvez développer votre concept et le faire passer au niveau supérieur.
Dans tous les cas, pour réussir dans ce secteur, il faut savoir s’adapter et toujours prévoir un plan B.
Il faut anticiper et penser à tout cela avant de vous engager et de signer une promesse de bail ou de vente de fonds de commerce.
Le mieux reste d’en parler et de faire le point sur votre situation.